Dès les temps les plus anciens, la musique a toujours été présente au sein de la société humaine. Ses influences multiples sur l’être humain ont souvent été prises en considération mais, selon les périodes de l’Histoire, les Hommes lui ont porté plus ou moins d’intérêt.
Les premières sociétés humaines accordaient à la musique des propriétés curatives en reconnaissant déjà l’existence d’un lien entre la musique et la médecine. Dès la Préhistoire, les guérisseurs considéraient que la musique avait un pouvoir guérisseur sur le corps et l’esprit. Ils l’utilisaient lors de rituels de guérison en l’associant à des plantes médicinales et des danses.
La musique a souvent entretenu un certain rapport avec la magie et le mystique. Elle était considérée comme un intermédiaire entre les hommes et les dieux lors de chorégraphies et de chants d’imploration pour lutter contre la maladie.
Dans les mythes anciens, le son est également associé à une forme de pouvoir et de magie. Beaucoup de mythes relatent que le son est à l’origine de l’Univers et qu’il est l’essence de toutes les créatures. Pour les Chinois, par exemple, au moment de la création du monde, le dieu Toth a lancé le Ming, un symbole sonore qui donne et conserve la vie. « Dans l’Antiquité, le cosmos était grouillant de sons, de voix des esprits qui le peuplaient et des divinités implorées par l’Homme à travers le chant et la danse. La nature, autrefois bénigne et clémente, se penchait vers lui pour lui accorder son sourire et sa protection. » (N. Porto, 1995, p. 15). Dans le yoga du son, la prononciation de la syllabe AUM permet d’accorder le son au cosmos.
Ce sont les civilisations anciennes qui nous ont transmis le principe de l’Iso (« identité sonore »). Selon les Anciens, l’Iso est un principe magique qui explique que la force vitale de chaque être vivant est contenue dans un cri ou un chant particulier qui lui est associé. Lorsque ce cri est repéré chez l’individu qui souffre, le principe de l’Iso revêt alors toute son importance. Ce principe, lorsqu’on le dépouille de son aspect magique, devient alors essentiel dans le traitement thérapeutique de la souffrance car : « tout individu, dans son vécu psychique et corporel, détient une structuration sonore élémentaire, une façon de réagir à l’univers des sons qui sert à l’identifier. Si le thérapeute arrive à identifier cet Iso, lorsque s’instaure la relation thérapeutique, il est possible d’utiliser le langage musical pour entrer en contact avec l’individu qui souffre. » (N. Porto, 1995, pp. 15,31) ;
Les premiers écrits qui relatent les effets de la musique datent de l’Antiquité. Des hiéroglyphes égyptiens datant de 600 ans avant JC relatent l’utilisation d’incantations permettant de guérir les piqûres d’insectes, les douleurs dues aux rhumatismes et la stérilité. Dans la mythologie grecque, Orphée calme les bêtes féroces grâce à sa lyre. C’est grâce au chant magique entonné par les soldats qu’Ulysse, blessé, cessa de saigner. Dans l’Ancien Testament, David guérit le roi Saül de ses états dépressifs en jouant de la harpe. Dans la mythologie celte, les bardes jouaient de la cornemuse pour préparer les soldats au combat. Durant l’Antiquité classique, la musique était considérée comme un moyen d’harmoniser corps, esprit et âme chez des personnes en souffrance. C’est notamment grâce à l’avènement de la médecine hippocratique (Ve siècle avant J-C) que nait la conception médicale d’une recherche d’équilibre entre corps et esprit à travers l’équilibre des humeurs. Durant cette période, la musique avait aussi un rôle éducatif. Cela s’observe chez Socrate qui enseignait à un de ses élèves les valeurs morales des modes musicaux, des rythmes et des instruments.
C’est à partir de l’Antiquité, et ce jusqu’à nos jours, que des philosophes, des scientifiques et des historiens ont commencé à se pencher sur la question de l’efficacité de la musique comme outil thérapeutique.
Au Moyen-Age, la musique jouait un rôle important dans le traitement médical. Elle était par exemple utilisée pour réduire l’agitation et la torpeur des personnes victimes de tarentules. Jusqu’à la moitié du XVIe siècle, l’Eglise en a fait une discipline canonique au sein des études de médecine.
A la Renaissance, la musique a été mise en lien avec la dimension émotionnelle de l’individu. A cette époque, elle permettait de rétablir l’harmonie entre les émotions, les humeurs de l’individu. Les savants de l’époque ont mis en place une « médecine musicale » permettant de soigner des perturbations physiques, psychiques et émotionnelles.
C’est au XIXe siècle, avec le développement de la psychiatrie et le passage du statut de « fou » à celui de « malade », que naissent de nouveaux traitements médicaux et psychothérapeutiques. Entre 1820 et 1880, la musique est utilisée à l’hôpital de la Salpêtrière de Paris comme outil thérapeutique pour calmer les malades agités ou stimuler les personnes apathiques. Les séances de thérapie musicale se déroulaient sous la forme de concerts joués au sein de l’hôpital par les élèves du conservatoire de Paris. Ensuite se créent des orchestres et chorales de personnes malades. La musique est donc envisagée dans une dynamique de thérapie de groupe. Cette nouvelle forme de thérapie se développe petit à petit en Belgique, en Italie et en Grande-Bretagne.
La fin du XIXe siècle marque un déclin de la pratique de la musique comme thérapie dans le domaine médical classique. De nouvelles découvertes pour le traitement des maladies dans le domaine de la psychologie, de la psychiatrie, de la psychanalyse et de la chimiothérapie relèguent la musicothérapie sur le côté, hors du champ de la médecine classique.
C’est au XXe siècle, durant la période entre les deux guerres mondiales, que débute l’histoire moderne de la musicothérapie. La guerre et ses traumatismes nécessitent l’utilisation de nouveaux traitements des blessures physiques et psychiques. C’est aussi grâce au développement des sciences humaines que se porte un nouveau regard sur les effets de la musique. Les sciences humaines accordent en effet d’avantage d’importance au domaine artistique dans les traitements psychiatriques. En 1919, le premier programme de formation à la musicothérapie voit le jour aux Etats-Unis à l’Université Columbia (New-York). Entre 1930 et 1940, la musique est de plus en plus souvent utilisée dans le domaine de la dentisterie et de la chirurgie pour réduire ou masquer la douleur des traitements. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la musique est insérée au sein des hôpitaux militaires, dans les programmes de réadaptation, pour traiter l’épuisement des soldats.
Dès 1950 s’opère une relance dans le domaine de la musicothérapie. Cette relance est favorisée par les échecs rencontrés dans le traitement de certaines troubles mentaux, et par le développement des techniques d’enregistrement et de production musicale. A cette époque, des associations et écoles de musicothérapie voient le jour aux Etats-Unis, en Autriche, en Grande-Bretagne. A partir de 1965, un second mouvement voit naître des organisations de musicothérapie en Argentine, en Yougoslavie, au Brésil, puis dans toute l’Amérique latine, en France, au Danemark, en Hollande et en Pologne ; et plus récemment en Italie, au Luxembourg, en Espagne, au Canada, en Suisse et en Belgique.
L’année 1974 marque un tournant dans l’histoire de la musicothérapie au niveau scientifique et professionnel. En 1974, le premier Congrès Mondial de Musicothérapie est organisé à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, avec la présence de vingt nationalités différentes. Ce congrès a permis de définir les différentes applications de la musicothérapie et la place de celle-ci dans le monde.
Petit à petit, différents courants thérapeutiques se sont développés au sein de la musicothérapie, pour donner naissance à plusieurs modèles différents.
En 1999, le neuvième Congrès Mondial de Musicothérapie (Washington D.C., Etats-Unis) reconnait officiellement cinq modèles théoriques de musicothérapie : le Modèle Guide Imagery and Music, le Modèle de Musicothérapie Analytique, le Modèle Benenzon, le Modèle de Musicothérapie Behavioriste et le Modèle Nordoff-Robbins.
Actuellement, différentes formations à la musicothérapie existent au niveau mondial dans une trentaine de pays. Ces formations s’inspirent de différents courants de la musicothérapie et sont dispensées au sein d’universités, de hautes écoles, de conservatoires ou de formations privées.
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